A hussard is born
Pourquoi Olivier Martinez a-t-il
été c I choi si? Mystère et boule de gomme.
Personne n'est fichu d'apporter une réponse précise
à la question. .« Il a quelque chose »».
«« Un regard «« Une présence »».
«« Son enthousiasme »», ««
C'est lui »», «« Et personne d'autre»».
Soit. Les stars c'est comme l'amour, ce sont lei silences u,
(Iii en parlent le mieux. Tout de même, cet c Olivier Martinez
est un étonnant personnage. Ce n'est pas un inconnu total,
cet ««inconnu dans la rue»» que préconisait
Giono. Il a sui la classe de Francis Huster au cours I Florent,
puis a passé trois ans au Conservatoire. Découvert
par Beineix dans IP5, puis césarisé dans Un, deux,
trois, soleil, il prouve aujourd'hui, avec Le Hussard..., qu'il
n'a pas fait le pari avec des potes de ne jouer que dans des
films qui auraient des chiffres dans leur titre. C'est pourtant
un grand superstitieux et grigrisant devant l'Eternel. Il porte
à l'auriculaire gauche un anneau d'argent offert par un
sorcier béninois qui a consacré naguère
une forêt d'Afrique au salut do son âme, à
condition qu'il ne quitte jamais son amulette. Certains jeunes
premiers négocient point par point les clauses financières
ou la façon dont ils seront éclairés par
contrat. Olivier Martinez s'est surtout soucié de ne pas
trahir un vieux marabout. Pendant lc tournage d' Un, deux trois,
soleil, il s'était cassé la figure à moto,
il est resté immobilise plus de deux mois, il croit que,
sans la bague, il serait resté Bertrand Blier avait patienté.
Le contrat du Hussard ... stipule que, pendant lcs cinq mois
que doit durer le tournage, Olivier Martinez n'enfourchera pas
une seule moto. Aide-toi, le ciel d'Afrique t'aidera.
Depuis deux ans, et bien avant
même de savoir s'il serait finalement choisi, il s'est
intéréssé au rôle d'Angelo, préparé,
documenté, passionné, pénétré
d'Angelo. Parce que le hussard aurait aimé vivre les guerres
napoléoniennes, Olivier a lu des biographies de l'empereur,
des traités de stratégie militaire, il a visité
le musée de l'Armée, aux Invalides, comme on tourne
autour de la maison où vit quelqu'un qu'on aime. Il a
pris pour mentor et tuteur un vieux briscard, le commandant Sevestre,
qui lui a révélé toutes les subtilités
et les grandeurs de la guerre en dentelle et du temps où
l'on aidait à se relever un ennemi tombé à
terre. Olivier Martinez, qui se vautre volontiers dans les fauteuils
parce qu'il est un bon vivant, se redresse soudain quand il parle
de cette longue période d'étude et de travaux d'approche.
Il s'enflamme en décrivant le feu des combats, il devient
tranchant en mimant le mouvement du sabre, il prend du poids
en nous apprenant la lourdeur des armures. «Ah, que j'aime
les militaires, j'aime les militaires, j'aime les militaires»,
comme dirait la grande-duchesse de Gerolstein! La voilà
ici à l'oeuvre, la magie du cinéma. Voilà
un loulou de banlieue, avec son accent, sa mèche et son
sourire, qui prend fait et cause pour un aristocrate d'un autre
temps, le comprend de l'intérieur, protège son
orgueil, et lui choisir ses bottes avec amour, avec soin, avec
une jalousie que jamais il n'éprouvera à ce point
pour un être de chair et d'os... Car Olivier Martinez a
fait changer les bottes de son costume. On lui avait donné
des bottes de bourgeois ! Pas assez souples, pas assez pointues.
Il a alors dessiné lui-même son modèle, et
le voilà chaussé comme il l'entend, comme un milord.
Quand Jean Giono veut dire son admiration pour un de ses personnages,
il écrit qu'il est « bien dans ses bottes».
Comment croire que tous ces gens
n'étaient pas faits pour se rencontrer? Le soir de sa
première scène, très courte, muette, en
extérieurs, il pleut des cordes. Olivier Martinez se tient
debout dans la rue noire, il se concentre. Jean-Paul Rappeneau
le couve du regard. «. Même de dos, il a de l'allure
L» lâche-t-il. Même sous un petit parapluie
noir, ridicule et cabossé comme on vient de lui en donner
un, il a de l'allure, pensent toutes les filles du plateau. Et
jusqu'au très jovial et viril rédacteur en chef
du Bulletin de l'Association des amis de Jean Giono, Jacques
Chabot, venu en voisin, qui ne peut s'empêcher de soupirer
: <. Voilà un homme qui donne envie d'être femme...»
Juliette des esprits
Et maintenant. il cat temps de
parler un peu de Juliette Binoche, la femme qui donne envie d'être
un homme. Au cours de cette première semaine, elle ne
tourne qu'un soir, les scènes finales du dîner de
gala en compagnie de son mari retrouvé. Elle est venue
sur le tournage avec son bébé de six mois, le craquant
Raphaël, qui fera un hussard de la meilleure espèce
quand il sera un peu plus vieux. Juliette a gagné, elle
aussi, le grand concours de toutes les Pauline possibles du cinéma
français, car elle était la meilleure. Elle se
tracasse un peu à propos du «« petit visage
en fer de lance »» qui revient sans arrêt sous
1<< plume de Giono à propos de Pauline. Le visage
de Juliette n'est objectivement pas en fer de lance. Mais la
volonté, l'acharnement même qu'elle met à
aimer Pauline, à la comprendre , à l'être,
est un sacré fer de lance à lui tout seul. Pour
se préparer à son rôle, elle a appris. comme
Olivier Martinez, à monter à cheval, et la toute
première fois, ç'a été l'horreur,
car elle a revécu, les pieds en l'air et tout le corps
secoué par les pas de la bête, le tremblement de
terre de Los Angeles dans lequel elle avait été
prise avec son bébé nouveau-né quelques
mois plus tôt. Elle en a fait des cauchemars. Puis elle
s'est habituée, disciplinée, et elle a exorcisé
sa peur. C'est peut-être un brave cheval, sans le savoir,
qui l'aura aidée à sortir do ce trou noir et à
orienter son angoisse, à l'offrir l rir à Pauline
en gage de complicité.
Autant Olivier Martinez a la
fougue naturelle et le silence éloquent qui siéent
à Angelo, autant Juliette a ce port de refine, cette voix
et ce regard grave, si mûris depuis ses débuts candides,
qui conviennent à la perfection à Pauline. Et quand
on les voit dîner côte à côte, à
la cantine, tandis que passent les calèches aux flambeaux
dans la nuit, on se dit qu'ils se ressemblent de façon
troublante, comme un frère et une soeur. a Un bon camarade
»», pense Angelo à propos de Pauline, pour
mieux se dissimuler son désir. «Votre fidèle
lieutenant», déclare Pauline à Angelo pour
éviter de songer à une autre fidélité...
Its ont aussi appris ensemble à écrire à
la plume d'oie, et assis sur le même banc, sous la dictée,
ils devaient vraiment faire figure de bons enfants à l'étude,
de frère et soeur d'armes, de lait, de sang et d'encre,
et leur complicité naissante apportera sans doute au film
quelque chose d'encore impalpable mais de très sûr.
CONTINUED